15 Fév 2021

mur bleu

De la responsabilité personnelle du dirigeant en raison du dol commis à l’occasion d’une cession de fonds artisanal

Le principe :

Si la responsabilité personnelle du dirigeant d’une personne morale est protégée par l’écran de la personnalité morale, ce dernier engage néanmoins sa responsabilité à l’égard des tiers lorsqu’il commet une faute détachable de ses fonctions.

Il en est ainsi lorsque le dirigeant commet intentionnellement une faute d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales.

L’application du principe au cas des cessions de créances :

Le dol est défini comme le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges, ou encore comme la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

L’auteur du dol engage sa responsabilité personnelle à l’égard du cessionnaire.

La Cour de cassation a déjà eu l’occasion d’appliquer ce principe au cas d’un dirigeant qui avait cédé deux fois la même créance à deux acheteurs : les juges considérant alors que le dirigeant devait personnellement réparer le préjudice résultant du non-règlement des créances cédées au second acheteur.

L’application du principe au cas particulier des cessions de fonds :

Parmi l’actualité jurisprudentielle parue au 31 décembre 2020, la Cour de cassation a eu l’occasion de se prononcer sur l’application du principe de la responsabilité personnelle du dirigeant en raison d’un dol commis à l’occasion d’une cession de fonds artisanal, en appliquant le principe précédemment jugé au cas des cessions de créances.

Dans cette affaire, les juges du fond ont retenu que le dirigeant d’une entreprise cédant son fonds artisanal avait nécessairement connaissance de la diminution de plus de la moitié de son chiffre d'affaires sur le dernier exercice précédant la vente, et ne pouvait ignorer que cette circonstance était déterminante du consentement du cessionnaire.

Considérant que le dirigeant avait délibérément omis d'informer le cessionnaire de cette diminution, qui s'accélérait, les juges du fonds ont considéré que l'omission reprochée ne pouvait être fortuite et présentait un caractère volontaire, caractérisant un dol.

Le cédant avait en outre faussement fait croire au cessionnaire que le certificat Qualibat dont il était titulaire et qu’il avait annexé à l'acte de cession était transmissible avec le fonds cédé, lui faisant ainsi miroiter le maintien d'une clientèle de restauration du patrimoine ancien.

Les juges relevaient également que le carnet de commandes cédé parmi les éléments du fonds était fallacieux, plusieurs des chantiers qui y étaient mentionnés ne pouvant donner lieu à aucun encaissement.

Pour l’ensemble de ces raisons, la Cour de cassation validait l’appréciation selon laquelle le dirigeant de l’entreprise cédante avait commis des fautes intentionnelles, d'une particulière gravité et incompatibles avec l'exercice normal de ses fonctions.

Ce constat a permis de considérer que si seule la société était partie à l’acte de cession, la responsabilité personnelle du dirigeant pouvait être mise en cause afin de répondre des condamnations tirées de la commission du dol.